La jurisprudence de la C.J.U.E. livre  une interprétation très large de la notion de « transfert d’entreprise »  au point de considérer dans certains cas que l’existence d’une relation  contractuelle directe entre cédant et cessionnaire n’est pas nécessaire  pour qualifier l’opération de transfert d’entreprise. Les Cours et  Tribunaux belges s’en inspirent, comme c’est le cas dans l’arrêt dont  question prononcé en date du 4 novembre 2008 par la Cour du travail de  Mons, sans toutefois que l’on puisse dégager une ligne directrice claire  et générale.
 
 Dans le cas d’espèce, un CPAS avait conclu un premier contrat de  prestation de services en vertu duquel la société co-contractante  assurait la préparation de repas à partir de la cuisine centrale du  CPAS, en utilisant le matériel dont le CPAS était propriétaire. A cette  fin, elle affectait l’un de ses travailleurs au service du CPAS.
 
 Quelques années plus tard, le CPAS prit la décision de ne pas renouveler  le contrat qui était arrivé à expiration et en conclut un nouveau avec  une société tierce. L’objet de ce nouveau contrat de prestation de  services était quelque peu différent puisqu’il s’agissait, pour le  nouveau prestataire, de livrer au CPAS des repas préparés au siège de  l’entreprise. 
 
 Une fois informé, le prestataire de services originaire notifia à son  successeur sa considération selon laquelle ce dernier devenait, à la  date de la reprise de l’activité de préparation de repas, l’employeur du  travailleur affecté jusque là à cette tâche. Dans la même logique, le  travailleur concerné avait par ailleurs reçu un C4 « transfert  d’employeur en application de la CCT 32bis sectorielle (secteur Horeca)  ». 
 
 Le nouveau prestataire de services contesta l’existence d’un transfert  d’entreprise, en suite de quoi le travailleur concerné poursuivit les  deux sociétés devant le Tribunal du travail en vue d’obtenir le payement  d’une indemnité compensatoire de préavis. 
 
 Dans son arrêt, la Cour entérine le jugement rendu et déboute le  travailleur en se fondant sur deux éléments : d’une part, les deux  contrats de prestation de services diffèrent par leur objet, l’un visant  la préparation de repas, l’autre la livraison de repas ; d’autre part,  la succession des prestataires n’implique pas, in casu, la reprise  d’importants actifs corporels. 
 
 A la lecture combinée de cet arrêt et de la jurisprudence européenne, la  question se pose de savoir quels sont les critères qui peuvent être  considérés comme déterminants pour identifier un transfert d’entreprise  dans le cadre de la succession de fournisseurs de services. Si la  condition de la poursuite d’une même activité économique semble peu  soumise à discussion, il en va autrement de critères tels que le  caractère conventionnel ou non de la transaction, la cession ou non  d’éléments d’actifs ou la reprise ou non du personnel - qui est tantôt  une conséquence, tantôt une condition (« une partie essentielle des effectifs en termes de nombre et de compétence »)  du transfert -. Ceux-ci seront appréciés, au cas par cas, par les  juridictions, laissant le lecteur et le justifiable parfois perplexes.
